Aujourd'hui je veux parler avec vous d'un sujet qui a eu une grande importance et qui nous semble banal maintenant que c'est à la portée de tous. J'ai connu, et des gens de mon âge aussi, une époque où tout se faisait manuellement : l'éclairage à la lampe à l'huile ou au gaz, le pompage de l'eau à la pompe à bras, la traite des vaches à la main, la tonte des moutons avec les cisailles (forces), la tonte du gazon avec des tondeuses sans moteur, les radios à batteries (quand on en avait un), les écrémeuses à bras, etc, etc. En un mot, tout le travail demandait beaucoup de forces humaines. Dans les grandes villes, l'électricité a été accessible aux familles avant le vingtième siècle et là commence pour moi la diffusion généralisée de l'énergie électrique. Au Québec, le mouvement d'électrification se modèle sur celui des autres économies développées et l'usage de l'électricité se répand des grandes aux petites villes. L'éclairage permet d'allonger les heures d'ouverture des commerces, celles du travail à l'usine et, dans la région, d'instaurer des quarts de nuit dans les grandes scieries. « Comme vous le voyez, on n'a pas d'abord pensé aux mères de famille avec leurs trâlées d'enfants, qui devaient tout nettoyer en s'usant les mains sur la planche à laver et les planches du plancher». Il existe cependant un fossé entre l'électrification urbaine et celle des campagnes. Comme il s'avère peu rentable d'offrir le service à la population dispersée des fermes, l'histoire de l'électrification au Bas Saint-Laurent s'étend sur trois quarts de siècle, depuis l'éclairage de quelques résidences de Rivière-du-Loup, en 1888, jusqu'au branchement des rangs les plus éloignés, sur le plateau au début des années 1960. C'est à Fraserville (Rivière-du-Loup) que débute l'électrification dans la région, avec peu de retard sur celle des grandes villes canadiennes. L'entrepreneur F. C. Dubé, qui possède une petite usine de pâte de bois, fournit en 1888 l'éclairage électrique dans le secteur de la gare de l'Intercolonial. En 1896, Cook et Waterson, les nouveaux propriétaires de l'usine, offrent d'étendre le service à tout Fraserville. Quelques années plus tard, une nouvelle usine électrique est construite près de l'usine de pâte et le service est étendu jusqu'à Cacouna. L'électrification de la seule autre ville bas-laurentienne au début du vingtième siècle, Rimouski, est plus tardive. La petite centrale construite par la compagnie électrique de Rimouski ne peut desservir ses premiers clients qu'à l'automne 1903. Pendant de longues années, le service demeure affligé de nombreux problèmes, surtout dus au bas niveau de la rivière en hiver, la saison au cours de laquelle l'éclairage électrique est le plus apprécié.

 

Tante Cécile