Imaginez! Pierret m'a demandé de lui parler des petits bonheurs de mon enfance. Je crois bien que j'ai eu une enfance à peu près comme tous les jeunes de mon temps. Je ne vous dirai pas mon âge, mais comme je suis née en 1920, j'ai vécu des choses que ne connaissent pas les enfants d'aujourd'hui. La chose qui a marqué le plus ma petite enfance, c'est le fameux bas de Noël avec des fruits, bonbons, “peanuts” et parfois un petit cadeau acheté au magasin ou encore une toupie fabriquée avec un fuseau de fil ou parfois une petite poupée de porcelaine qui avait de la chance si elle vivait plus d'une semaine tant elle était fragile, mais elle était si belle!... Nous n'avions pas chez nous les bas de Noël rouges qu'on voit aujourd'hui, mais des beaux bas tricotés à la main, bien lavés et avec quelques friandises et qu'elle était bonne la grosse orange de Noël! Quoi de mieux pour être heureux? Puis on a grandi et plusieurs événements ont égayé mon enfance. L'arrivée d'un petit frère ou d'une petite sœur était, comme aujourd'hui, source de joie, et quand ils grandissaient, ça faisait des copains pour jouer. J'avais hâte d'aller à l'école et mes parents m'ont aidé à m'y préparer. Il n'y avait pas de pré-maternelle ni de maternelle dans ce temps-là mais les institutrices acceptaient les moins de six ans à un cours qu'on appelait “préparatoire”. Comme je n'avais pas de difficultés pour apprendre et qu'on m'avait enseigné à la maison, je m'en suis tiré. Mais je n'ai pas gardé de cette première “maîtresse” un très bon souvenir. Elle frappait trop souvent les grands avec sa grosse règle de bois franc. Mais passons, je veux vous parler de mes souvenirs heureux. À l'école, une bonne note, une étoile rouge ou dorée me comblaient de joie. À la maison, un petit espace pour se faire un petit jardin bien à moi était un bien beau cadeau, la possibilité d'aller cueillir des petits fruits me donnait de l'importance personnelle en plus des bonnes tartes ou confitures fabriquées par maman. Comme il y avait une rivière près de chez-nous, les baignades nous étaient chères et les petits poissons se laissaient prendre, probablement pour nous faire plaisir, mais ils étaient vraiment bons à manger. Et que dire des pique-niques que nous faisions en famille au bord du fleuve, la cueillette des moules et la marche dans le sable étaient de vrais bonheurs. L'hiver, la neige, la glace, les glissades sur la croûte au printemps et surtout au clair de lune, étaient des merveilles. Pas de podiums et de médailles, mais quand même les bouffées d'air pur, quel bonheur! Et le printemps, le temps de sucres! cette époque ne s'oublie pas. Papa avait une érablière et nous a montré comment se débrouiller en forêt. Et l'été, comme mes parents avaient de la parenté aux États-Unis, ces gens venaient passer un mois au “Canada” en automobile et parfois nous emmenaient faire un “tour” d'auto. Nous n'allions pas loin et fallait surtout pas salir les sièges. On se sentait empesés mais on était fiers d'avoir essayé ce genre de voitures. Une autre chose qui est pour moi un souvenir très heureux. Nous avions un oncle qui paraît-il gagnait de gros salaires (c'était quoi des gros salaires en 1930?...). Ce bon “mon oncle” nous emmenait au restaurant pour une crème glacée. C'est la meilleure que j'ai jamais mangée. Le dimanche, notre père organisait une partie de baseball. C'est dans ces matchs qu'on a entendu parler parler du célèbre “Babe Root”. Grand-père nous visitait souvent et qu'on était heureux de le voir! “Lui” ou les sous qu'il nous donnait? Dans ce temps-là comme aujourd'hui nous jouions à la madame. Mais nos meubles étaient souvent des cartons qu'on taillait de toutes sortes de formes. La vaisselle avec des vieux contenants de toutes sortes, mais pour la coutellerie, c'était autre chose. On avait entendu dire par d'autres enfants qu'on n'avait qu'à placer des clous de 4 à 5 pouces sur les rails de chemin de fer et quand le train passait, ça écrasait les clous et ça ressemblait à des couteaux; quel bonheur! Je me souviens aussi du plaisir que l'on avait à tendre des collets dans la forêt tout près de chez-nous. L'espérance de prendre les petites bêtes, n'a pas eu grand succès, mais le plaisir était là. Le temps de la crise économique des années 1930 ne m'a pas affectée outre mesure. Le pire pour moi, dans ce temps-là, ça été de ne pouvoir continuer mes études à l'école. Mais j'aimais beaucoup lire et j'ai réussi malgré tout à apprendre beaucoup de choses. Je suis contente de ma vie et de tous ces petits bonheurs qui ne coûtaient pas cher et je me considère comme une personne heureuse. Je souhaite à vous tous, lecteurs et lectrices, une bonne année et n'oubliez pas de cueillir tous les petits bonheurs qui passeront près de vous.

 

Tante Cécile