Je me suis longtemps demandé qui avait découvert que l'eau d'érable était sucrée et qu'on pourrait s'en servir pour fabriquer le sirop et tout ce qui vient avec. J'ai souvent entendu dire que les indiens d'Amérique s'en servaient, mais je n'avais rien pour certifier cette thèse. J'ai fini par découvrir des extraits de différents écrits des pères Jésuites et des Récollets et je vais vous en faire part par des bouts de récits qui sont vraiment authentiques. En 1654, le Père Lejeune raconte que les Montagnais, ses compagnons d'hébergement, lui ont raconté qu'ils tiraient de l'eau sucrée d'un arbre. À cette observation du Jésuite, ajoutons cette réflexion du père Sagard, récollet: “S'ils sont pressés par la soif et qu'ils ne rencontrent pas d'eau, ils n'ont qu'à faire une fente dans l'écorce des plus gros fouteaux (érables) qui sont en sève et en sucent la douce et agréable saveur qui en distille, comme nous voulions faire pour semblable nécessité et débilité du cœur.” Par sa manière de s'exprimer, le Père Lejeune ne laissait pas entendre un procédé long et compliqué comme la fabrication du sucre d'érable. Et, en fait, les Relations, jusqu'à la fin de la série 1673, observent un silence complet sur l'ébullition de l'eau d'érable. J'ai lu quelque part qu'on faisait bouillir cette eau dans des casseaux d'écorce de bouleau posés sur des pierres plates au dessus du feu. Cependant, paraît-il qu'on ne laissait pas bouillir longtemps : juste assez pour épaissir un peu le sirop. Les indiens se servaient aussi de cette eau sucrée comme tisane pour guérir les maux d'estomac et comme moyen de guérir le scorbut en y ajoutant de l'écorce d'épinette blanche. Il est peu probable que les indigènes aient fabriqué du sucre, mais, ils avaient trouvé une très bonne liqueur. On lit quelque part dans les notes des choses qui pourraient nous laisser croire qu'ils ont fini par se perfectionner : “Au printemps, les érables renferment une liqueur assez semblable à celle que contiennent les cannes des îles (canne à sucre). Les femmes s'occupent de la recevoir dans des vases d'écorce, lorsque ces arbres la distillent. Elles la font bouillir et en tirent un assez bon sucre. ”Et par la suite, on lit ailleurs que plus tard“ deux personnes peuvent, au cours d'une saison de printemps, fabriquer sans difficulté 200 livres de sucre”. Il y a quand même une bonne différence avec nos érablières d'aujourd'hui. Un autre écrit sur l'érable, qui est très intéressant, est celui de M. Michel Sarrazin, premier docteur en médecine de la Nouvelle-France. Celui-ci a laissé son nom attaché à l'érable, à cause d'une communication sur cet arbre envoyée par lui à l'Académie Royale des Sciences de Paris et lue à la séance du 19 août 1730. Ce texte, qu'on dit avoir été long, est conservé manuscrit aux archives de la même institution, mais n'a jamais été publié. Il n'en a paru qu'un texte de deux pages dans “Histoires de l'Académie des Sciences” en l'année 1732. M. Sarrazin a baptisé l'érable à sucre : Acer Canadense sacchariférum fructuminari Domini sarrazin. (Admettez qu'un nom comme ça n'est pas facile à placer dans une conversation). Cependant, même si on ne prononce pas son nom souvent on sait que notre érable à sucre nous donne un produit d'une exquise douceur et donne l'occasion à bien des gens d'organiser de beaux rendez-vous à la cabane avec les amis. Souhaitons que l'industrie du sucre et sirop de l'érable, permette encore longtemps à nos acériculteurs de faire des revenus raisonnables en nous sucrant le bec. J'ai essayé de vous donner ces renseignements aussi clairement que possible. Je vous prie de m'excuser si ça vous paraît un peu décousu. Amicalement.

 

Tante Cécile