Ah nos bâtisseurs...! Ceux grâce à qui nous vivons, aujourd’hui, dans ce beau et paisible village. Il me semble important de les remercier pour leur travail et leur acharnement des derniers siècles. Ainsi va la vie; plusieurs d’entre eux nous ont quittés au fil des ans, laissant derrière eux des souvenirs mémorables et un patrimoine riche en histoire. Mais, parmi tous ces gens, nous pouvons compter parmi nous encore aujourd’hui, sur la présence d’une personne que nous pouvons maintenant appeler fièrement notre doyenne... qui? Je parle bien sûr d’Albina Pigeon, âgée maintenant de 92 ans et vivant encore dans sa petite maison au cœur du village. C’est pour elle, aujourd’hui, que je sors ma plume que j’avais rangée depuis longtemps. Avec l’aide de ma petite famille, j’ai eu envie de rendre hommage à ma chère maman.

Née à St-Narcisse le 23 janvier 1929, Albina est l’aînée des 10 enfants de Louis- Philippe Pigeon et d’Aurélie Lavoie. Elle a vécu son enfance dans le rang 5 Ouest, exactement sur la grande côte du chemin du Domaine. Dans ces années-là, on surnommait cette côte « La Côte à Pigeon » et elle était très peu appréciée en hiver. Étant la première enfant, Albina grandit en aidant soigneusement ses parents aux tâches familiales, lui laissant peu de temps libre pour s’amuser avec le voisinage. Celui-ci n’était d’ailleurs pas très près, mais cela n’empêcha pas mon père, Lionel Soucy, de trouver sa « perle » qui habitait juste au sommet de cette côte. Albina avait 17 ans quand ils se marièrent et elle emménagea ensuite avec lui. À ce moment-là, ils ont partagé leur domicile avec le père de Lionel qui était veuf ainsi que quelques-uns des frères et sœurs les plus jeunes du marié. Albina s’occupa donc de toute la maisonnée, et ils reprirent ensemble la relève de la petite ferme familiale de grand-père. Au fil des années, les frères et sœurs déménagèrent, suivis également d’Ulfranc qui se remaria, laissant derrière eux un grand vide dans la maison.

Bien que la nature ait décidé pour eux, le jeune couple deviendra alors un phare d’accueil pour de nombreux enfants. C’est avec l’amour, l’engagement et le don de soi qu’ils choisirent de fonder une belle grande famille en se tournant vers l’adoption. C’est alors, avec grand bonheur, qu’ils accueillirent l’aînée de la famille, Gisèle, qui était âgée à l’époque d’environ 2 ans. Quelques années plus tard, Linda, qui avait aussi environ 2 ans, et ensuite Bernard, 5 ans. Voilà que les années passèrent et en surprise le petit dernier, âgé d’à peine 6 mois, fit son arrivée, soit Roger-Yves.

Tout au long de ces années, une belle maison pleine de vie et grouillant d’enfants fit le bonheur de nos parents. Que ce soit pour aider de la famille proche, des amis ou même pour supporter les services sociaux, ils ont marqué positivement la vie de plusieurs enfants. La liste serait trop longue pour nommer tous ceux qui ont eu la chance de faire escale dans leur foyer. Mais il est certain que mes parents ont toujours eu la passion et le cœur très grands pour les enfants. La famille étant une de leurs plus grandes valeurs, la maison était toujours remplie par la visite des oncles et des tantes Soucy et Pigeon et même d’amis. Tous ceux les connaissant peuvent en témoigner!

Comme la vie sur la ferme n’était pas facile, Lionel a un jour pris la décision d’aller gagner sa vie dans des camps pour bûcher. Par la suite, il se réorienta dans le domaine de la construction comme menuisier afin d’y finir sa carrière. Alors qu’Albina disait toujours qu’elle s’ennuyait à mourir dans le rang, ils achetèrent une grande maison au cœur du village de St-Narcisse qui ne fut pas la dernière, car Lionel en construisit une autre par la suite à leur goût.

Albina était, comme on disait dans le temps, la reine au foyer. Elle s’occupait de son mari, de ses enfants et des autres jeunes en famille d’accueil. Albina était une femme aux multiples talents qui aimait lire, écrire, faire la cuisine et la couture. D’ailleurs, plusieurs habitants du village venaient la voir pour sa couture. Elle était aussi passionnée par les fleurs et le jardinage, investissant beaucoup de temps dans ses pots de fleurs et ses potagers. C’était de toute beauté de la voir, chaque été, travailler fort le sourire aux lèvres ou même dans un champ à cueillir de petites fraises.

Papa nous a quittés en 2010, après 64 ans de vie heureuse au côté de maman. Il lui aura légué une force, une volonté et une détermination afin de rester seule à tenir la maison familiale encore depuis maintenant près de 11 ans. C’est une immense fierté, pour moi, de souligner toute l’immensité de cet accomplissement.

Maman, tu auras été d’une grande générosité, accueillante, forte, dévouée et encore aujourd’hui tu n’as pas changé! Toujours aussi douce et aimante, tu fais preuve d’une grande patience et d’une honnête bonté avec ceux que tu côtoies. Tu donnes tant à tout ton entourage et tu n’oses jamais demander, c’est à croire que tu as peur de recevoir.

On ne sait pas qui est le plus chanceux, TOI pour avoir eu la chance de donner autant d’amour, ou NOUS pour avoir reçu une aussi bonne mère. Nous remercions chaque précieuse journée que la vie nous permet de passer encore avec toi! Et je sais que lorsque tu liras ces quelques lignes, tu diras que je n’aurais pas dû et que je suis un cachottier parce que j’aurai organisé tout ça dans ton dos. Mais sache que cela me tenait vraiment à cœur. Tu mérites tous ces mots, cet hommage, et beaucoup plus encore! C’est une fierté pour nous de t’avoir encore à nos côtés et rien ne pourrait égaler tout l’amour que nous te portons.

À toi, notre doyenne de St-Narcisse, merci pour tout ce que tu as apporté à notre belle famille et notre beau village. Sans ton travail, ton amour, ta bonté et ta générosité, rien ne serait pareil aujourd’hui.

Avec amour