Fils de André-Albert Proulx et Germaine Morneau, notre père Léonard est né à Saint-Anaclet le 6 mai 1925. Le 29 août 1945, il épousa Rachel Proulx fille de Nicolas Proulx un des premiers bâtisseurs de la paroisse. De cette union, entre 1946 et 1952, sont nés quatre garçons Gilles, Denis, Jacques et Gaétan.
Notre père a été un des premiers à posséder un camion dans la paroisse, soit un Ford 6 roues. Il avait alors 21 ans. Il faisait du transport de bois pour les petits moulins et les producteurs de la région : le tout se faisait à bras. Le printemps, il transportait certains équipements pour la drave.
Pour assurer un revenu pour la période morte, Léonard achète un «snowmobile» Bombardier pour faire du taxi et le transport de marchandise.
Nous étions à loyer depuis 10 ans quand un jour, notre père, plutôt cachotier, nous amena avec maman visiter la maison de M. Philémon Lepage située voisin de l’épicerie Sirois. Il y avait sept pièces, un grand jardin, des arbres fruitiers et surtout de l’espace... en nous regardant il nous dit qu’il venait de l’acheter. Vendue en juin 2002 la résidence familiale du 463 Duchénier est la propriété actuelle de Michaël Banville.
Mon père prit un contrat de transport de bois pour Welly Gagnon, contracteur pour la compagnie Price. Pour ce faire, il acheta deux camions un Dodge et un Fargo qu’il équipa de fourchettes pour charger le bois, grande avancée pour le temps. Léonard engagea ses frères Hervé et Louis. Le bois était transporté au lac Rimouski, mis à l’eau et dravé sur la rivière Rimouski au printemps. Pour ne pas utiliser les camions l’hiver, il acheta un lot à bois qu’il paya 1 000$. Chaque hiver, il faisait chantier avec mon oncle Léonard Côté et se servait de son snowmobile pour sortir le bois. Dans la même période, il achetait des producteurs de la région du bois qu’il transportait avec ses camions, le printemps venu, pour le vendre à la Cie de Bois de Luceville.
Léonard était un homme juste qui avait grand cœur. Un jour que je lui demandais de l’argent pour m’acheter des gâteries, il m’en donna en me disant «la prochaine fois tu le gagneras». J’aurais pu être offusqué mais non; j’ai pris ma petite brouette avec mes paniers de pommes et mes «cotons de rhubarbe» et j’ai arpenté le village durant l’été; à la fin, j’avais amassé au-delà de 50$ : une petite fortune pour un garçon de mon âge.
Une des sœurs de papa, étant malade, a demandé à mes parents de garder Johanne, son bébé de 6 mois; maman qui avait rêvé d’une fille , dit oui instantanément . Alors, ce qui devait durer 6 mois a duré 4 ans; elle était devenue notre petite sœur. Quand ils sont venus la chercher, c’est la première fois que j’ai vu papa pleurer. Souvent, je pense à elle.
Quand la Compagnie Price décida de changer sa méthode de transporter le bois, Léonard acheta un camion Ford rouge 10 roues, un
tracteur et un «loader» et décida de se lancer dans le
transport du gravier; il faisait du local et du transport sous la
supervision du Syndicat des camionneurs. Il avait la réputation de donner un très bon service. Durant cette période, Rachel s’occupait de faire les factures, gérer les finances et s’occuper de ses garçons. En écrivant ces
lignes, j’ai le cœur serré en pensant à maman qui nous a tellement aimés. Malheureusement, la fin de sa vie ne fut pas facile.
Suite à une attaque cérébrale, Léonard tomba dans le coma; à son réveil, on lui annonce qu’il avait perdu usage de son cervelet. N’ayant plus d’équilibre, Léonard était condamné à la chaise roulante. Rachel manifeste alors, des signes reliés à un début d’alzheimer. Nous avons gardé le camion quelques temps pour aider au moral de notre père.
Je dois remercier Jacques qui s’est transformé en proche aidant pour papa et maman. Rachel décéda le 1er avril 2003 et Léonard 6 mois plus tard, le 7 novembre de la même année. Le jour de son décès nous étions à son chevet et dans un moment de lucidité, en me regardant : «C’est toi Gilles, je vais retrouver Rachel» en lui prenant la main je lui ai dit : «Bon voyage et dis bonjour à maman de notre part.»
Léonard et Rachel reposent dans le cimetière de Saint-Narcisse. Bâtisseur, Léonard l’a été pour sa famille. Merci Papa.