Joseph Émile Jean-Marie Banville, dit Émile, est né à Saint-Narcisse le 26 janvier 1920. Le plus jeune fils de Germain Banville et de Marcelline Lepage n’avait que quatre ans lorsque son père est décédé, le laissant orphelin avec ses sept frères et trois sœurs, âgés de 6 à 24 ans. Émile fréquenta la petite école de St-Narcisse jusqu'en 5e année, après quoi il devint ouvrier sur la ferme familiale et, plus tard, à la scierie de monsieur Arger Thibeault. Cheveux noirs et yeux bruns, il avait des yeux rieurs et un sourire à faire fondre les banquises. On dit de lui qu’il était vaillant, gentil, intelligent, qu’il aimait la chasse et la pêche et qu’il chantait tout le temps. Sa très belle voix et sa mémoire étonnante pour toutes les chansons de l’époque faisaient l’admiration de son entourage. Lorsque la guerre éclata, en 1939, Émile habitait la maison familiale du « coin de la route » avec sa mère Marcelline et ses frères Joseph, Maurice et Jean-Baptiste. C’est ce dernier qui était le chef de la famille, ayant pris charge de la ferme de son père. Avec eux vivaient donc aussi son épouse, Cécile Bélanger, et leur fils Gilbert, alors âgé de trois ans.
S’étant engagés dans la Réserve de l'Armée canadienne, Émile et Maurice firent leur entraînement avec les Fusiliers du Saint-Laurent au « Camp 55 » de Rimouski, jusqu'en mai 1941. L’entraînement se déroula ensuite à Kingston, puis à Halifax à compter du mois d’août. Le 1er mai 1942, Émile se porta volontaire pour aller combattre en Europe. Son dossier militaire nous apprend toutefois qu’il a déserté pendant quelques jours: le 14 juin 1942, il est déclaré « absent sans permission » ... avait-il changé d’idée? On ignore ce qui a motivé son absence et où il est allé, mais il a refait surface quatre jours plus tard à Valcartier, où il se porta volontaire de nouveau. Il s’embarqua à Halifax le 24 septembre 1942 à destination de l'Angleterre, où il poursuivit son entraînement au sein du Royal 22e Régiment jusqu’en juin 1943.
Le soldat Émile Banville débarqua sur les plages de Sicile le 10 juillet 1943. Les allemands opposaient une résistance puissante, mais les canadiens réussirent malgré tout à progresser vers le cœur de la Sicile au prix de plusieurs pertes. C'est le 27 juillet 1943, au Mons Santa Maria, qu'Émile fut tué par un éclat d'obus lors de la difficile avancée pour la prise de la ville de Catenanuova. Sa dépouille et celles de ses 17 frères d’armes tombés ce jour-là furent enterrées le 1er août dans un cimetière improvisé et plus tard relocalisées au Cimetière de guerre canadien d'Agira, au pied du Mont Etna.
La nouvelle de la mort d’Émile se répandit rapidement, créant une onde de choc qui a laissé des marques profondes tant dans sa famille qu’à St-Narcisse et dans les environs, en particulier chez ses amis du village et ses compagnons de travail du moulin à scie. Un service solennel fut célébré en l’église de St-Narcisse le 1er septembre 1943. Son neveu Gilbert se souvient qu’un jour, après la guerre, un gars de Sainte Blandine, soldat du 22e Régiment, était venu chez eux au coin de la route, disant qu’il était avec Émile quand « c'est arrivé ». Très ivre, en pleurs, le pauvre homme tenait à Marcelline des propos décousus sur l'enfer dont il était sorti et où il avait vu Émile se faire descendre par « les Boches » ...
Le 29 juillet 2018, 75 ans presque jour pour jour après son décès, une messe commémorative en mémoire du soldat Émile Banville a été tenue à l’église de St-Narcisse, en présence de vétérans de la Légion royale canadienne, qui ont clôturé le tout par une courte cérémonie militaire. Tout près de 200 personnes y ont assisté, dont plus de la moitié étaient les familles descendants de ses frères et sœurs. La famille s’est ensuite rendue au cimetière pour une envolée de ballons en hommage à leurs parents disparus, puis à la salle municipale pour des retrouvailles fort attendues.
À la fin du rassemblement, chaque membre de la famille s’est vu remettre un carton- souvenir sur lequel il était inscrit :
Le 27 juillet 1943, le soldat Émile Banville, matricule E/109503 du Royal 22e Régiment, est mort pour la patrie pendant la 2e Guerre mondiale. Il repose au Cimetière de guerre canadien d’Agira, en Sicile (Italie). De tous les hommes de Saint-Narcisse courageusement allés servir la patrie lors de cette guerre, il est le seul qui n’est pas revenu. La mort du plus jeune fils de Germain Banville et Marcelline Lepage, à l’âge de 23 ans, a profondément marqué toute sa famille. En devoir de mémoire, nous, les neveux et nièces d’Émile, sommes rassemblés en ce jour avec nos familles afin de commémorer le 75e anniversaire de son décès au nom de la paix et de la liberté. Saint-Narcisse-de-Rimouski, le 29 juillet 2018
Les informations ont été colligées par Sophie Banville à partir de textes originaux rédigés par Gilbert Banville, Dominique Caron et elle-même.